Comores : Le comble d’un mensonge national
Minuit. Des pensées de nuit pour des jours meilleurs.
A mon corps défendant, je prends le stylo ,comme un Master of Ceremony s’accroche au micro ,pour laisser couler les larmes de mes veines. Mon cœur saigne comme saigne l’Afrique à cause de ses nombreuses sécessions. En effet, quand je regarde ce qui se passe autour de moi et ailleurs, notamment au Soudan, en Centrafrique, au Mali, en Egypte, en Syrie… me viennent en mémoire les événements qui ont eu lieu lors de la crise séparatiste d’ Anjouan.

Anjouan. 1997. Des pensées diurnes pour une nuit noire et grande qui aura duré dix ans.
Le peuple dans les rues, poussé par la misère. Notre pudeur en berne .Des drapeaux français hissés par-ci par-là. Naturellement, c’est tout à fait normal de revendiquer ses droits. Mais en 1997, sur l’île d’Anjouan, qu’est-ce qu’on réclamait exactement ?? Si on n’arrive pas à trouver une réponse à cette question, on risque de défendre une cause perdue ou pire encore, se battre aux cotés de perfides. En tout cas, l’histoire en juge impartial, nous a montré qu’on s’est battu pour une utopie. A force de vouloir l’impossible, on s’est retrouvé dos au mur. Comment un peuple décolonisé, peut-il demander à être colonisé, recolonisé par son ancien colonisateur ? Comment un peuple qui s’est battu pendant une vingtaine d’années pour acquérir la souveraineté et l’unité de son territoire peut-il prôner au su et au vu du monde entier la séparation, la dislocation de ce même territoire ? Anjouan 1997, ce sont des hommes, des femmes et des enfants qui se levaient à l’aube pour battre le tambour sourd du désespoir. Anjouan 1997, ce sont des vieilles gens qui n’avaient plus que la peau sur les os qui dansaient dès l’aube au rythme des mensonges séculaires d’une élite faillie. Finalement, l’histoire en bon juge impartial a révélé nôtre côté écrivisse. L’histoire a révélé que nous marchons à jamais à reculons. Au lieu de suivre la marche du monde, d’un monde global, mondialisé, nous ne faisons que retourner à la case départ. Eu égard à la régression socio-économique des pays qui ont connu ce que les érudits appellent ari «le printemps arabe», je me demande si toute révolution sociale n’est pas toujours vouée à l’échec. En tout cas, Anjouan 1997, c’est une révolution avortée.
Six heures. Pensées vespérales pour des couchers de soleil éternels.
Je vais donc vous raconter, pas de long en large bien sûr, mais le bout que j’ai saisi de cette histoire. Etant si jeune pour comprendre certains agissements, je ne peux pas vous livrer toute l’histoire de l’hydre du séparatisme comorien. Quoique j’ai vu des choses inimaginables et insensées qui se sont passées pendant cette période terne de notre existence en archipel comorien.
Ari, on croyait tous être au «chenal de la béatitude» ! Alors que ce n’était que du «n’trongo tou», du n’importe quoi. J’ai peut-être une pensée segmentée, néanmoins je me souviens de ces évènements ignominieux et capiteux. Je me souviens de la frénésie qui s’était emparée de toute l’île. Une frénésie folle et affolante.
Tout avait commencé le 14 juillet 1997. A l’époque j’étais en classe de CM2. Comme j’étais gamin, j’ignorais ce que c’est la politique. Mais c’était la liesse pour moi d’apprendre cette «bonne nouvelle» qui allait enfin nous faire sortir de cette misère immense. Une misère beaucoup plus grande que le mont N’tringui ainsi que d’autres montagnes environnants de la région de la Cuvette. Lesquels montagnes nous empêchant d’avoir un esprit épanoui. Fermons la parenthèse et revenons à nos cabris, puisqu’un cabri, au moins j’en avais un! Ari, «un rattachement à la France!» allait opérer l’île d’Anjouan. Je dirais plutôt un rattachement à «la farce» puisque c’était de la pure comédie à la norme moliériste. Comment une île qui a été décolonisée peut-elle se rattacher à son ancien colonisateur ?

Qu’est-ce qu’on est assez naïf pour croire à une telle ineptie ! Ari : « Un rattachement à la France !!! »Et c’était l’allégresse dans les quatre coins de l’île ! Mais je ne condamne personne vu qu’ «un ventre affamé n’a point d’oreille.» Or, ce n’est pas seulement la faim qui démange nos ventres rachitiques qui a été à la source de notre dérive collective, mais le stéréotype de la dite «belle vie» que nous croyons que nos voisins de Mayotte mènent. Laquelle vie dont nous envions tant. Aujourd’hui l’eldorado mahorais se révèle être un miroir aux alouettes comme nôtre rêve de « rattachement à la farce » une utopie.
Alors, en raison de ces failles, démagogues et fourbes ont profité de l’occasion pour manipuler le peuple à leur propre guise ! Des vieilles gens et des innocents jeunes ont servi de marionnettes pendant une décennie.
Et comme on est un peuple «jobard», il suffit d’un rien et on tombe dans les bras de Morphée, oups! Ou plutôt d’Orphée, je fais, souvent, des lapsus. Ainsi ces papelards ont eu l’audace, avec leur discours mielleux et doucereux que pompeux, de nous marcher dessus, tout en donnant comme exemple l’île de Mayotte, «l’eldorado » des Anjouanais, enfin des Comoriens, ou des connait rien . hihihihihi !!! Laissez-moi rire !!!
Rêvant d’une vie meilleure, on a tout sacrifié pour aller jusqu’au bout de l’invraisemblable ! Tellement on a été nourri de rêves qu’on ne voyait même pas la réalité qui s’affichait à l’horizon. On suivait les dits «leaders» comme un bétail qui suit son éleveur.
Ces politiciens éhontés ou plutôt ces caïds savaient très bien à qui ils avaient affaire. Une véritable mascarade, malheureusement on ne s’en rendait pas compte ! Ils nous ont bien eus par cette argutie, ari, «rattachement à la France». Qu’est-ce que cela fait pitié! Mentir tout un peuple si ingénu !

Ari : «Mabawa waaaa!», une expression banale que malheureusement je n’arrive pas à la traduire en français ! Et à chaque fois qu’un démagogue s’étalait dans sa logorrhée, il ne manquait pas à évoquer cette expression. Que ce soit à la radio, à la télévision ou dans un meeting, la foule, avide de bonheur, s’exclamait de joie. Cela faisait l’objet d’euphorie insulaire!
Il n’était donc pas question de contredire. Et si jamais quelqu’un osait lever la voix pour contrecarrer, il était donc pris pour un mouchard, un traitre, un partisan du pouvoir central ! Et s’il récidivait, c’était donc au lynchage qu’il encourait. Parfois on confisquait même ses biens matériels, ari, butin hum ! Il se passait vraiment des choses extrêmement épouvantables. C’était l’anarchie totale qui gouvernait l’île séparatiste d’Anjouan. Par ailleurs, quand une délégation de démagogues revenait d’Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, après une négociation sans issue ou si un émissaire de l’Union africaine atterrissait sur la piste de Ouani, pour tenter de remettre nos chers jésuites sur les rails afin de sortir le pays dans l’impasse politique, les gens se mettaient à jouer aux terroristes verbaux. Tout le monde descendait à Ouani à pieds. Ceux et celles qui habitaient des régions lointaines, partaient dès l’aurore, selon la distance qui sépare Ouani et la région concernée. Sous un soleil ardent avec une chaleur tropicale suffocante. Mais tout cela n’était pour rien. Ari, pour entrer au paradis, il faut goûter avant tout la mort. Toutefois, nos «supers héros», les matois, dormaient paisiblement chez eux et attendaient que la masse paysanne, qui se venait de tous les coins et recoins de la pauvre île d’Anjouan, venir accomplir leur tâche.
Et ce qui m’étonnait le plus, on apportait à ces derniers des hidaya (cadeaux), pour les encourager. Hein ! Comme ils étaient pris pour des messies dans certaines localités! Sacredieu ! Peut-être les bourreaux de la nation, pas des messies, ces péteux!
Cette crise séparatiste a duré beaucoup plus que prévu. Du coup le pouvoir central a puisé tout son énergie pour mater la situation et réinstaurer l’ordre dans l’île, mais en vain.

Après un débarquement militaire qui a échoué, les autorités du pouvoir central ont infligé, en guise de sanctions, un embargo à l’île séparatiste d’Anjouan. Les Anjouanais qui habitaient à la Grande Comore ont été chassés, menacés davantage, même les ministres anjouanais qui composaient le gouvernement central étaient humiliés quotidiennement par des jeunes de la grande île. Fallait-il réagir ainsi ? Alors que ces ministres militaient pour l’intégralité de l’archipel! Vraiment on nageait en plein schizophrénie !!!!
Pendant ce temps, c’était la catastrophe qui régnait dans l’île de mabawa waaaa(ailes). Il nous manquait de tout. Pendant six mois, je n’ai pas vu allumer les lampes électriques de notre voisin. Chez nous, à ce moment là, on n’utilisait que de lampions. C’est triste à dire mais ari la pauvreté n’est pas un choix hein! Carence de carburant, pénurie de riz, manque de tout produit de première nécessité ! Pas de déplacement n’en voiture d’où pas de travail. Donc pas de salaire. On est resté dans le noir, pendant plus d’un semestre, tout en attendant avidement et naïvement ce maudit «rattachement à la France». Hélas ! On n’a eu qu’un rattachement à la souffrance qui aura duré une décennie !
De 1997 à 2001, on a reçu un enseignement scindé. Les programmes scolaires n’étaient jamais terminés. Et on n’achevait jamais un trimestre sans qu’il ait des grèves et des manifs.
Par conséquent, les écoles privées se sont multipliées au détriment des écoles publiques. De la sorte, ceux qui ont les poches remplies de quelques billets, y envoyèrent leurs enfants à l’école privée. Tant pis pour nous autres que les poches de nos papas sont trouées! On était donc contraint de rester chancir et moisir dans les écoles publiques. Pauvres de nous wana wa begua ouropvou !!!!
Cela explique bien la baisse de niveau des élèves de l’île au cours de ces dernières années.
J’ai connu des camarades doués d’intelligence, quand nous étions à l’école primaire et au collège. Malheureusement ils n’ont pas pu tenir le coup. Alors, Ils ont abandonnés les études justes parce que les copains et les copines sont envoyés à l’école privées et que l’école publique qu’ils fréquentaient n’était qu’amusement et passe-temps. Nous qui avons persévéré jusqu’au bout, nous sommes dotés de tant de lacunes.

Il faut attendre en 2001, lors de la conférence de Mohéli, quand les poches de nos super-héros se sont bien remplies, pour que les deux bouts parviennent à signer un accord tout en amendant la constitution et en abrogeant certains articles. Ari, tournante, Union des Comores, une constitution qui est venue légitimer les inégalités socio-économiques des îles.
Chaque île bénéficia dès lors d’une autonomie large. Un autre nœud vient d’être scellé!
Trois îles indépendantes, trois présidents en plus de celui de l’Union. Quelle calamité ! Une autre crise qui a failli couler encore du sang en 2008 lors d’un second débarquement.
Ainsi les dits «présidents insulaires», les «m’djé djégo» ont adopté un nouveau statut, ari on les appelle maintenant des «gouverneurs» et leurs ministres, ari on les appelle des commissaires, bon sang ! On n’est pas encore sorti de l’auberge.
Minuit. Des pensées de nuit pour des jours meilleurs. Mon cerveau en veille, que vieille est la nuit, et les étoiles me susurrent que le problème aux Comores ne réside pas dans les tensions entre les îles, mais il se trouve dans les inégalités sociales qui se creusent chaque jour entre les pauvres qui n’arrivent pas à se nourrir et à s’instruire et les riches qui se gavent de nourriture et de culture.
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